Table-ronde d’ouverture – Quoi de neuf du côté des pensées de l’écologie ?
Présidence : Lucile Schmid, (Vice-présidente de La Fabrique Ecologique)
Intervenants : Catherine Larrère, philosophe et professeure de philosophie ; Dominique Bourg,
philosophe franco-suisse, professeur honoraire à l’université de Lausanne, Marie Toussaint, Députée
européenne et vice-présidente de la Fondation de l’écologie politique ; Patrice Maniglier, maître de
conférences en philosophie à l’Université Paris Ouest-Nanterre ; Fabrice Flipo, professeur à Institut
Mines
Qu’entendre par pensées de l’écologie ? Est-ce une façon de penser ou un mode de pensée ? L’écologie est-elle une réalité, une manière de voir le monde ? Si penser les relations entre les sociétés humaines et la nature n’est pas neuf, la
reconnaissance de la responsabilité des êtres humains dans les dérèglements écologiques s’est structurée ces deux dernières décennies autour de la notion d’anthropocène et nourrie des travaux du GIEC. La nécessité de transformer les modes de vie, l’organisation des sociétés et de faire évoluer les institutions est mieux reconnue. D’où le besoin de lier pensée et action, recherche et enquête de terrain, créativité et transformation économique et sociale, et ce à l’ensemble des échelles – globale, locale, européenne, nationale.
Les pensées de l’écologie se déploient dans ce contexte. Elles ne sont plus le fait de minorités actives ou un objet de réflexions sectorielles. Elles se diffusent des sciences au droit, ou à l’économie, fondent des mouvements sociaux puissants, suscitent des controverses – sur la technique, sur l’autoritarisme et la démocratie. -, des soubresauts, mettent à jour des contradictions. Tout le monde s’occupe d’écologie. Sans oublier les questionnements plus théoriques, cette table-ronde introductive abordera les questions suivantes : Face à la nécessité de changer, quelle portée attribuer au succès de concepts comme la décroissance, la post-croissance ? La revendication de rupture, de radicalité manifeste-telle le besoin d’un lien fort entre pensée et action ? Comment penser ensemble les différentes échelles, organiser une circulation ? Que nous disent les initiatives locales d’une perspective planétaire ? La diffusion « indisciplinée » de l’écologie – échelles, secteurs- appelle-t-elle une perspective commune, voire des « régulations » ? Que faire des controverses ? Où et comment se nouent les liens entre démocratie et écologie ? Comment penser le moment présent, tout en se situant dans une continuité ?
Atelier 1 : Penser, sentir, agir avec la terre et le vivant
Présidence : Aline Archimbaud, L’instant d’après
Intervenants : Jean David Abel, France Nature Environnement ; Barbara Glowczewski, anthropologue CNRS, Ehess ; Béatrice et Gilbert Kremer-Cochet, Naturalistes, Administratrice de l’Aspas ; Antoine Chopot, doctorant en philosophie de l’écologie politique
La modernité occidentale s’est construite sur l’idée que nous devons notre humanité à un effort constant d’arrachement à notre condition naturelle. La « civilisation » repose depuis quatre siècles sur le partage entre nature et culture, partage qui s’est transformé en une guerre contre la nature dans les sociétés industrielles, jusqu’à la sixième extinction de masse. Cette guerre est en réalité « une guerre contre nous-mêmes ». Elle détruit les conditions de notre vie sur terre, elle condamne la « nature » au silence et elle nous rend malades parce qu’il n’est pas possible d’être au monde sereinement tant que nous nous considérerons hors de lui, hors nature, hors sol. Au-delà de la protection de la nature, de la préservation de la biodiversité, l’enjeu est aussi de penser l’écologie comme un moyen pour nous re-lier à cette terre, à cette « nature », de nous soigner nous-même en retrouvant des façons de vivre, d’être au monde AVEC le reste du vivant.
Atelier 2 : Ecoféminisme et écologie politique
Présidence : Estelle Portrat, enseignante militante écoféministe en Saône et Loire
Intervenants : Élise Thiébaut, auteure ; Caroline Goldblum, écrivaine
L’écoféminisme pose au centre de sa réflexion et de son action la question des relations de genre et de domination dans l’approche de la question écologique. Il existe des similitudes et des causes communes entre les systèmes de domination et d’oppression des femmes par les hommes et les systèmes de surexploitation de la nature par les humains. L’écologie repense les relations entre les genres en même temps qu’entre les humains et la nature. Comment les écoféminismes abordent ils la notion de pouvoir ? L’atelier présentera l’émergence de ce courant de pensée, ses figures historiques et ses principaux courants, ses controverses et ses points communs., La convergence des luttes environnementales et féministes offre les conditions d’une société résiliente capable d’apporter les réponses aux crises causées par une société productiviste et patriarcale.
Atelier 3 : Cultiver, élever, manger
Présidence : Philippe Cacciabue, L’instant d’après
Intervenants : Damien Conaré, Secrétaire général, Chaire UNESCO Alimentations du monde Montpellier ; Jacques Caplat, ingénieur agronome et docteur en anthropologie ; Jocelyne Porcher, Directrice de recherches à l’INRA.
Dans nos pays, le système alimentaire, est en grande partie disqualifié sur le plan écologique. A l’exception de quelques poches de résistance, les systèmes sociotechniques de production, de transformation et de distribution ont suivi l’évolution industrielle et capitalistique des autres secteurs primaires. En parallèle, cette modernisation désastreuse a produit une population agricole marginalisée, humiliée (d’abord des ploucs, puis des pollueurs), désespérée au sens propre. Or…Malgré l’ancienneté des luttes des mouvements de protections de la nature pour dénoncer la dérive massive de nos agricultures, malgré l’accumulation de preuves accablantes sur la nocivité de ce système, et malgré le fait que des savoirs et des savoir-faire alternatifs sont maintenant suffisamment éprouvés pour remplacer ce système mortifère, la trajectoire reste à peu près la même depuis les révolutions industrielles, avec une accélération significative au sortir de la 2ème guerre mondiale. Pourquoi ? Quels concepts, quels mots, quels récits nous manquent-il pour infléchir la trajectoire ?
Atelier 4 : Effondrement, catastrophes, résilience, prospérité : quel imaginaire écologiste de l’avenir ?
Présidence : Erwan Lecoeur, Sociologue et politologue
Intervenants : Antoine Chollet, chercheur au Centre d’histoire des idées politiques et des institutions de l’Université de Lausanne ; Corinne Morel Darleux, autrice, essayiste, chroniqueuse et militante écosocialiste. Jean Baptiste Fressoz, Chargé de recherche au CNRS, membre du Centre de recherches historiques (EHESS)
Les écologistes ont l’impression de passer leur temps à annoncer des malheurs : dégradations, régressions, pertes de, crises de, accidents, imminence de la catastrophe voire collaps et menaces d’effondrement. Ils sont ainsi accusés par leurs adversaires d’entretenir un fonds de commerce fondé sur la peur et l’angoisse, la négation de toute forme de progrès, de mettre leur petite pièce dans le récit du déclinisme. De fait, une forme de paresse pourrait les amener à penser que l’accélération des crises, la réduction des délais dans lesquels il est possible d’agir, l’urgence en somme, leur serviraient d’argument essentiel pour faire bouger les choses. Mais l’expérience montre que cela est loin de suffire et peut même alimenter des réactions tout à fait différentes dans les populations. In fine, une hypothèse à discuter est que manqueraient aux écologistes un récit de l’avenir et un imaginaire positif du futur qui d’une certaine façon contrebalancerait les mauvaises nouvelles dont ils sont inévitablement porteurs. Il semble manquer une projection capable d’articuler entre elles les modalités économiques, sociales, culturelles, démocratiques du changement profond (de civilisation?) que proposent les écologistes. Le simple énoncé de mesures électorales d’un programme pour telle ou telle mandature est bien loin de répondre à cette exigence. Les traditions antérieures socialistes, communistes ou libertaires annonçaient un but, un autre modèle de société. Les écologistes paraissent démunis ou divisés par rapport à l’idée de promouvoir une société écologique …Est-il temps de mettre en chantier un tel projet ou y a-t-il d’autres voies pour avancer vers ce ou ces récits écologistes de l’avenir ?
Atelier 5 : Le souci des autres : être attentif, le « care » (À partir des soignant-e-s)
Présidence : François Lotteau, médecin, ancien maire de Rully (71), L’instant d’après
Intervenants : Pascale Molinier, professeure de psychologie sociale à la Sorbonne Paris Nord ; Mélanie Popoff, médecin, co-fondatrice de l’Alliance Santé Planétaire
Le « care », est une attitude, un ensemble de manières de faire, plus large que celle du soin, parce qu’étendue à d’autres situations où nous dépendons les uns des autres. Ainsi de l’architecture et de l’urbanisme pour prendre soin des espaces dans et autour desquels nous vivons, pour mieux les ménager, C’est aussi la manière d’être avec les autres êtres animés non humains, les végétaux, le minéral même parce que nous faisons partie de ce « tout » dont nous ne dépendons pas seulement d’un point de vue utilitaire. En quoi la notion de « care » aide-t-il les écolos à penser leur façon de voir le changement ? Corollaire : En quoi l’écologie donne-t-elle un contenu « supplémentaire » (ou une couleur particulière, ou un élan novateur …) au « care » ?
Atelier 6 : Marché, Capital, propriété, biens communs
Présidence : Ludovic Martin, doctorant à la Communauté de Communes du Clunisois
Intervenants : Guillaume Duval, Ingénieur des Arts et Métiers, ancien éditorialiste au mensuel Alternatives économiques ; Mireille Bruyère, maîtresse de conférences en sciences économiques à Toulouse.
Nous sommes parfois saisis de vertige devant l’énormité et la rapidité du saut que doit opérer l’économie pour faire face à l’’urgence climatique ou la perte de biodiversité. Le débat est devenu intense sur la décélération, la décroissance, la bifurcation, en tout cas l’accompagnement des économies dites développées jusqu’au point où elles seraient compatibles avec la capacité de charge écologique du la planète. Pour atteindre les objectifs d’un redéploiement des économies faut-il donner à l’État le contrôle une partie plus importante de l’économie ? Si oui par quels types de mesures ? Comment délimiter ce qui relève des biens communs, la santé ? La Culture ? L’éducation ? Est-il question de réduire fortement l’offre (et la propriété) privée(s) et de renforcer la part de l’offre publique ? Quelle dynamique pour déployer une économie sociale et solidaire, une économie écologique locale à la hauteur des enjeux ? La question ainsi posée rouvre ainsi la traditionnelle « dispute » sur le degré d’anticapitalisme des écologistes, sur le degré de pilotage par en haut de l’économie, sur la capacité à libérer l’initiative de milliers d’habitants et des jeunes pour renouveler des pans entiers de l’entrepreneuriat et pour reconvertir les autres.
Atelier 7 : Apprendre, transmettre, coopérer
Présidence : Aurélien Bleton, L’instant d’après
Intervenants : Sylvain Wagnon, Professeur des Universités en sciences de l’éducation : Marie Jacqué, Sociologue à l’Université d’Aix-Marseille ; Aurore Grandin, doctorante en sciences cognitives à l’Ecole Normale Supérieure
Les écologistes sont proches des pédagogies alternatives et innovantes. Attachés aux valeurs émancipatrices, à la formation d’un citoyen complet, développant son esprit critique et sa sensibilité au monde, humain et non-humain. Or, la société actuelle, et donc les institutions qu’elle génère, porte un tout autre discours, fondé sur la production et la domination des hommes sur le reste du monde (et également d’une certaine catégorie d’hommes sur le reste des autres êtres humains). L’atelier que nous proposons tourne autour des interrogations suivantes : Y a-t-il une vision écologiste spécifique de l’éducation ? Quelles en sont les caractéristiques ? Qu’est ce qui les distingue (ou les rapproche) d’autres visions traditionnelles, d’autres cultures se présentant ou s’étant présentées comme émancipatrices ? Que nous disent les recherches les plus récentes en sciences de l’éducation et en sciences cognitives en matière de pédagogie sur les grands enjeux en matière de climat ou de biodiversité ou de liens avec la terre et le vivant ?
Atelier 8 : L’écologie décoloniale au cœur de l’action contre toutes les dominations
Intervenants : Marcellin Nadeau, député de la Martinique ; Erwan Molinié, universitaire, co-dirigeant de l’observatoire Terre monde
L’écologie décoloniale montre en quoi la domination coloniale a été et reste la condition sine qua non de l’extension et de la prospérité d’un modèle occidental qui mène la planète à sa perte. La sortie de cette domination est la condition sine qua non de la sortie de ce modèle. L’atelier se propose ainsi plusieurs buts : présenter le concept, son histoire, les courants de pensée et d’acteurs ; en montrer toute la portée culturelle et politique ; mettre en évidence les terrains contemporains de lutte ouverts par cette notion. Il propose aussi d’ouvrir le débat suivant sur les pensées décoloniales et l’écologie décoloniale, qui se présentent souvent comme « pluriverselles », (par opposition à la vision universelle uniformisante), et comme mettant aussi l’accès sur la reconquête nécessaire de la spécificité, du particulier ou du singulier. Contredisent-elles toute forme d’universalisme, toute pensée globalisante du monde et de l’humain ? Ou au contraire portent elles la promesse d’un nouveau monde composé de plusieurs mondes ?
Atelier 9 : Réponses aux violences
Intervenants : Sébastien Roché, universitaire politologue français spécialisé en criminologie ; Annie Le Fur, formatrice en régulation non-violente à l’IFMAN
Notre société se vit à tort ou a raison comme de plus en plus violente. Violences subies par les plus pauvres, au travail et face la précarité et aux inégalités, à la complexité des relations à l’administration ou de l’accès aux droits. Violences intrafamiliales, atteinte aux biens ou aux personnes, aux institutions, espaces urbains abandonnés. Les émeutes des banlieues puis le mouvement des gilets jaunes mais aussi les violences lors de certaines manifestations entretiennent l’image d’une société de plus en plus conflictuelle et incapable de résoudre pacifiquement les conflits. Il faut être violent pour se faire entendre. La violence gagne parfois la sphère de l’action collective. Certains revendiquent le droit à la désobéissance civile, appellent au nom de l’intérêt général à transgresser les formes antérieures pacifiques d’action. La question posée est de savoir si celles et ceux qui se réclament de l’écologie peuvent en fonction de leur éthique politique (non-violence, attention apportée au vivant, stratégies d’empowerment) contribuer à quelque chose de différent de ce qu’on trouve sur le champ habituel des idées et des pratiques.
Atelier 10 : L’écologie, un choc démocratique ?
Présidence : Wandrille Jumeaux, administrateur territorial, Cofondateur du Lierre
Intervenants : Yves Sintomer, politologue français ; Marie-Hélène Bacqué, sociologue-urbaniste, Université Paris Ouest
Dans leur expérience de la gestion, mais aussi dans leurs actions quotidiennes pour le changement, les écologistes sont confrontés (en France ou ailleurs) à la difficulté qu’il y a à faire bouger les institutions, les comportements et les relations interpersonnelles pour réformer la société. Que signifie cette transformation du point de vue de la démocratie ? Un changement d’institutions, illustrées par la thématique ancienne de la VIeme république. Une réforme des pouvoirs locaux et régionaux, une bifurcation vers des cadres nouveaux et aussi une capacité à rénover les anciens. Une extension considérable de la démocratie aux champs de l’’économie, du social et de l’écologie. Quelle est donc la vision écologiste contemporaine de la démocratie ? Qu’apportent aux écologistes les notions nouvelles d’ « empowerment », les démarches et la boite de nouveaux outils dits de démocratie participative ? (Referendums, tirage au sort, panels, sondages collaboratifs) etc. Quelles leçons tirent-ils du mouvement des gilets jaunes quant à la demande de démocratie directe ? Comment la mise en mouvement à une échelle plus vaste de tous tes ces démarches peut-elle provoquer un choc démocratique capable de mobiliser massivement les populations autour des enjeux du changement ?
Atelier 11 : Doit-on reconnaitre des droits à la nature ?
Présidence : Patrick Monin, Président de L’instant d’après
Intervenants : Marine Calmet, juriste, présidente de l’Ong Wild Legal
Face à la crise écologique et ses conséquences sur les écosystèmes, certains estiment qu’une vision anthropocentrée du droit n’est plus appropriée et qu’il devient nécessaire d’apporter un changement en profondeur, au cœur même de nos institutions et de notre système juridique, Les Droits de la Nature, ou Droits de la Terre, sont un ensemble de règles et principes visant à protéger les entités de la biosphère telles qu’une rivière ou une montagne en les reconnaissant comme personnes ou êtres vivants dotés de droits propres au titre de leur valeur intrinsèque. Ils associent une approche biocentrique, issue notamment de la vision des peuples autochtones, à des mécanismes juridiques occidentaux. Plusieurs textes ont été élaborés et adoptés à partir de 2008 à travers le monde. La Constitution équatorienne, la loi-cadre bolivienne sur les Droits de la Terre Mère, la Déclaration universelle des Droits de la Terre Mère, ou encore la Déclaration mondiale de l’UICN sur la règle de droit environnemental. Cette évolution présente de nombreux avantages. Elle soulève également des problèmes d’ordre juridique éthique, démocratique, Qui représente qui ? Quelle hiérarchie des droits ? Quel découplage droits/devoirs ? Quid des conflits entre êtres vivants et dotés de droit ? Pour certains, elle présente le risque de contourner la difficulté des combats en faisant croire que le changement du droit suffirait à modifier les rapports de forces entre humains à propos de ces sujets. L’atelier vise à faire le point sur ces controverses et à replacer la question des droits du vivant dans la palette des outils nouveaux pour le combat écologique.
Atelier 12 : Invitation à la Sobriété
Présidence : Stephen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’Environnement
Intervenants : Bruno Villalba, Professeur des Universités de Science politique ; Sylvie Landriève, Directrice du Forum Vies Mobiles, coautrice de l’ouvrage collectif « Pour en finir avec la vitesse », paru en août 2021 ; Valérie Guillard, Professeur à l’université Paris-Dauphine.
L’atelier se propose de définir la notion de « sobriété » afin qu’elle ne connaisse pas les affres d’autres concepts non Identifiés – comme le furent le « développement durable » ou la « croissance verte ». Est-il sérieux de croire que la sobriété par exemple énergétique adviendra sans contraintes étatiques ? Sera-t-elle par construction « heureuse » comme se plaisent à l’énoncer bon nombre d’écologistes ? Face aux « destructivistes » qui ont assis leur domination sur la prédation des ressources naturelles, n’est-il pas immature politiquement de croire que cette sobriété se déploiera sans créer et entretenir un véritable rapport de forces, sans justice climatique et sociale ? Dit autrement, la sobriété pour « tous » justifie-t-elle l’ébriété de quelques-uns ? La sobriété peut-elle être efficace sans être inscrite dans le temps et dans l’espace ? Peut-elle se résumer à une addition de petits gestes individuels ? Enfin, la sobriété est-elle une façon honteuse de ne pas assumer la décroissance ? Est-elle le premier pas vers une sortie pleine et entière de la société de consommation ? Finalement, dans un monde où trop n’est jamais assez, la sobriété est-elle révolutionnaire et, si c’est le cas, qui sont et où se cachent les révolutionnaires ? L’habilité politique serait peut-être de « faire sans dire », en évitant de faire de cette notion un totem, une cible facile qui cristalliserait les rancœurs d’un peuple qui subirait l’austérité rebaptisée pour l’occasion « sobriété ».
Atelier 13 : Travail, activité, revenu
Présidence : Jacques Archimbaud, l’instant d’après
Intervenants : Antonella Corsani, économiste et sociologue, l’Université Paris 1 ; Yann Moulier-Boutang, économiste et essayiste ; Guillaume Allègre, Economiste à l’OFCE, centre de recherche en économie de Sciences-Po
L’émancipation vue par les écologistes vise à changer les finalités de la production et du travail, ses conditions et ses cadres : favoriser le travail autonome par rapport au travail hétéronome ou dépendant ; privilégier la petite organisation plutôt que la grande ; relocaliser, ;favoriser l’économie de coopération plutôt que l’économie de capital ; Asseoir le revenu de chacun non seulement sur le produit de son travail individuel mais sur un transfert de la richesse de tous, transfert considéré comme relevant potentiellement d’un droit universel, changer les modes d’insertion au travail, réduire le temps de travail; faire varier les temps de la vie, m mettre tout le monde en activité et garantir un revenu serait l’objectif tout autant que le mot d’ordre d’un emploi pour tous. Mais cette représentation d’une réduction nécessaire de la centralité du travail est contestée par une partie de la gauche. Comment cette différence de vision est-elle actualisée, confortée ou transformée par les nouvelles conditions contemporaines de mise au travail des populations et de l’emploi ? Au fond, y a-t-il une ou des visions écologistes nouvelles du travail et de l’emploi ? Comment faire face à l’immensité et à l’urgence des changements dans le travail et l’emploi qu’implique la crise écologique ? Le passage par le revenu universel est-il une solution pour répondre aux nouveaux enjeux ? Quel devenir et quelle place pour la classe ouvrière et les salariés de l’emploi traditionnel dans ce processus ? Quid de la reconversion et des nouveaux pouvoirs des salariés dans l’entreprise ?
Atelier 14 : L’écologie est-elle sans frontières ?
Présidence : Jean Luc Delpeuch, Président de la Communauté de communes du clunisois, et l’Instant d’aprèsIntervenants : Chloé Ridel, haut fonctionnaire. Elle est directrice adjointe de l’Institut Rousseau ; Françoise Diehlmann, Militante écologiste et fédéraliste, membre de l’olivier, germaniste
Les écologistes se sont souvent présentés comme mondialistes, européens, régionalistes. Attachés au local (voire au terroir) et au global planétaire… Beaucoup plus rarement comme patriotes. En quoi les bouleversements du monde infirment-ils, confirment-ils, ou modifient-ils cette représentation ? Quelle est la relation des écologistes à la France et à la nation française ? (Ou belge) A l’idée de souveraineté nationale ? L’Europe reste-t-elle l’espace pertinent et l’échelle appropriée pour faire face aux défis et enjeux évoqués, en premier lieu climatiques, écologiques et à la préservation de la paix ? Les écologistes sont-ils favorables à la libre circulation absolue des personnes et des biens ? L’idée de frontières (et de fermeture des frontières) leur est-elle sympathique ? L’idée de faire de la politique séparément dans chaque pays a-t-elle encore un sens ? Pourquoi pas une internationale écolo, un parti écolo mondial ?
Atelier 15 : Le salut par les sciences et la technique ?
Présidence : Hervé Kempf, rédacteur en chef de reporterre.net
Intervenants : François Jarrige, historien français, maître de conférences à l’Université de Bourgogne ; Cédric Villani, mathématicien, médaille Fields, ancien député
L’alliance du travail et du savoir, les visions scientistes et technophiles, ont été longtemps le ciment de la construction du projet politique de la gauche et d’une partie du mouvement ouvrier. Les écologistes (ou certains d’entre eux) entretiennent quant à eux une relation parfois ambiguë a la science et la technique. Le caractère scientifique de l’écologie et plus récemment l’avancée des connaissances climatiques ou en matière de biodiversité les amènent assez spontanément à se présenter comme des « ami-e-s de la science en général ». Maisque surviennent les controverses sur les neurosciences, les manipulations génétiques ou, récemment, en matière de virus, elles se reproduisent à l’identique parmi les écolos. Il en va de même pour le rapport à la technique. Pendant longtemps, cette idée que le remplacement d’une technique par une autre permettrait, à elle seule, à la société d’opérer sa mutation vers un développement soutenable a été très présente chez les écolos. Il est donc temps de reposer et d’expliciter cette question du rapport des écologistes à la science et à la technique en réintroduisant la question du lien entre le débat scientifique et technique et les contradictions, interpellations dans toute la société. L’enjeu touche là encore au(x) récit(s) écolo(s) de l’avenir, à la façon dont ils sont perçus par le plus grand nombre, et tout autant les catégories populaires que les intellectuels dont l’alliance reste une question stratégique majeure.
Table ronde finale : Désertion, rébellion, alternatives, désobéissances, institutions : Ecologies et politique
Présidence : Géraud Guibert, président de La Fabrique Ecologique
Intervenants : Lola, Extinction Rébellion ; Stacy Algrain, étudiante à Sciences-Po Paris, Fondatrice de “Penser l’après” ; David Cormand, député européen » ; Priscillia Ludosky, figure du mouvement des gilets jaunes. (Association DEMOCRATIE OUVERTE) ; Magali Payen, youtubeuse, initiatrice du mouvement #onestprêt Duo de membres du collectif des agro déserteur e s
Les cheminements et les points d’entrée vers l’écologie ont toujours été très divers, tout comme les pensées de l’écologie .Pendant les deux jours des rencontres, on aura pointé cette diversité quant à la croissance, le rapport à la propriété, au capital ou au travail, à la technique, aux droits du vivant, à l’universalisme, à la République ou à l’Etat, à la spiritualité, à l’optimisme ou au pessimisme, à la désobéissance et au droit, à la relation entre les territoires et leurs frontières etc. etc.. La question posée dans cette table ronde finale sera donc la suivante ; Au-delà de la critique du système, quel socle commun positif forme le lien entre les écologistes ? Au-delà des différences, quelles promesses communes, quel récit de l’avenir font-ils à toute la société et en particulier aux catégories populaires ? L’idée de de la société écologique, comme but ou comme utopie, peut-elle fournir ce liant ? Comment construire ensemble un tel projet ? Comment délimiter et construire l’archipel des engagements écologistes et des autres engagements en faveur de la transformation sociale ? Comment les écologistes doivent ils parler aux catégories populaires ? Comment bâtir une dynamique entre le dehors et le dedans ? Entre les petits gestes et les politiques globales ? Comment, éviter le décrochage entre les écologies, sous prétexte d’oppositions entre la radicalité et la réforme ? Quelle transformation d’elles-mêmes, l’écologie politique ou la gauche vraiment écologisée doivent elles imaginer pour prendre en charge à la fois la profondeur des transformations nécessaires et le degré de changement soutenable à l’instant t pour toute la société ?
Rencontre 1 autour du thème « Ecologie et spiritualité »
Animation : Patrice Sauvage co-fondateur de l’association Démocratie et Spiritualité
Intervenants : William Clapier, essayiste ; Stéphane Lavignotte, pasteur protestant et théologien ; Arnaud Montoux, prêtre catholique et théologien.
Le défi climatique appelle à un changement des comportements individuels et collectifs, à une « conversion » des citoyens comme des responsables : quel rôle la spiritualité – qui n’est pas réductible à la religion – peut-elle jouer à cet égard ? Dans l’atelier, nous échangerons sur cette articulation entre écologie et spiritualité, dont de nombreux acteurs et chercheurs soulignent le caractère indispensable, et présenterons des expériences locales s’inscrivant dans cette perspective.
Rencontre 2 autour du thème « Ecologie et République »
Intervenants : Claire Monod, architecte urbaniste ; Lisa Belluco, députée écologiste de la Vienne
Les écologistes ont avec la république et la tradition républicaine française un rapport ambigu. D’un côté ils contestent des pans entiers de son histoire ; apologie du colonialisme et de la supériorité du colonisateur, rationalisme et positivisme forcenés, patriotisme de mauvais aloi, négation des identités et des langues régionales, nivellement de la diversité biologique, écrasement des soulèvements populaires. De l’autre, ils en vantent les valeurs de base ; liberté, égalité, fraternité au nom desquelles ont été menés nombre de combats émancipateurs L’écologie peut-elle redonner du contenu à cette notion et quel serait l’intérêt de s’en réclamer ? Peut-on la débarrasser de ses oripeaux bourgeois scientistes et centralisateurs ? La république peut-elle être universelle et reconnaitre les différences ? La notion de république écologique a-t-elle vraiment du sens ?