Coorganisé par la Fondation de l’écologie politique et des sénateurs Guillaume Gontard et Daniel Salmon
Programme du séminaire :
Introduction par Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère.
« La ruralité, avenir de la transformation écologique ? »
- Roseline Mouchel-L’Abbé, doctorante en sciences de gestion à l’Université de Rennes 2 – Laboratoire LiRIS, qui mène ses travaux à la Confédération Nationale des Foyers Ruraux sur les droits culturels et l’approche du changement.
- Simon Audebert, doctorant du CEE de Sciences Po Paris, observateur de la convention des maires ruraux organisée par la AMRF.
- Remi Guidoum, responsable biodiversité de la Fondation pour la Nature et l’Homme, auteur d’un rapport sur les enjeux du Zéro artificialisation net (à paraître en janvier 2024).
« Les villes après le Métropolisation, quelles perspectives ? »
- Clémence Selva, architecte, co-autrice de La ville stationnaire (Acte Sud, 2023), avec Philippe Bihouix et Sophie Jeantet.
- Manuel Domergue, Directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, auteur de la note « Métropoles, fuir ou agir » (Fondation de l’écologie politique, 2021).
- Jérémy Camus, Vice-président de la Métropole de Lyon.
- Damien Deville, anthropologue et géographe, auteur de La société jardinière, Le Pommier, 2023.
Conclusion par Daniel Salmon, sénateur d’Ille-et-Vilaine.
Résumé des échanges :
Placer l’écoute au centre.
Il est utile de s’appuyer sur l’exercice démocratique organisé par la Confédération nationale des Foyers Ruraux. Rappel sur cette organisation composée de près de 1500 foyers ruraux à travers toute la France, plusieurs centaines de milliers personnes qui contribuent à ses activités, très variés (culturelles, sportives, etc.) dont la mission première est de faire vivre les territoires, de maintenir et recréer du lien social et de rendre accessible les différentes activités. Un congrès 2023 basé sur un processus long de prospective et d’écoute. De prospective car volonté de baser le plan d’action 2023-2027 sur une vision à 2046 (pour les 100 ans des foyers ruraux) qui intègre les bouleversements écologiques à l’œuvre.
Cet exercice démocratique vient confirmer qu’il est possible de construire un chemin de transition depuis les gens, depuis les territoires, depuis des expériences et des expertises locales qui ne font pas suffisamment l’objet d’écoute. L’écoute et l’expérimentation sont deux termes clés pour avancer. Dans le cadre de la CNFR, cela à aboutit à la production d’un plan d’action qui assume une forme de radicalité.
Pouvoir se loger sans bétonner la France.
Début 2024 va paraitre un rapport de la Fondation pour la Nature et l’homme et de la Fondation Abbé Pierre. De nombreux éléments seront partagés à ce moment-là.
L’enjeu est assez simple. Il y a des centaines de milliers de personnes ou de famille en France qui ne sont pas bien logés. En même temps s’exprime la volonté de réduire ou d’arrêter l’artificialisation des sols.
Se pose la question des logements vacants. Une majorité d’entre eux sont détenus par des propriétaires qui ne possède que ce bien en plus de leur résidence et qui n’ont pas les moyens de les rénover. Un enjeu est de les accompagner plutôt que de les pousser à les vendre notamment à d’autres multi-propriétaires ou entreprises qui concentrent une part importante des logements en locatio. Question des aides, ou de mise en place de foncières solidaires qui permettent de revitaliser des logements ou des lieux dans les ruralités.
Il importe aussi de poser la question de la sous-occupation des logements. De nombreux logements trop grands pour leurs habitants. Cela est souvent lié au départ des enfants et au maintien des personnes âgés dans des habitations qui par ailleurs sont peu adaptées au grand âge.
Le Zéro artificialisation net (ZAN), une opportunité pour les ruralités ?
Alors que certains présentent le ZAN comme un projet anti-ruralité, et si de nombreuses associations trouvent que le choix fait par le gouvernement d’attribuer à toutes les villes et village le même droit à artificialiser est une mesure technocratique éloignée de toute réalité, se dégage des échange un soutien assez large à l’idée que le ZAN est une opportunité pour repenser en profondeur la manière de faire ville ou village.
Exemple du Triève, en Isère, où dès avant la mise en place du ZAN, trois villages de la communauté de commune avaient mis en place dans les années 2000 un PLU très restrictif sur la construction. Il se trouve que ce sont ces trois villages qui ont le plus accueilli de nouveaux habitants. La contrainte mise sur la construction a rendu plus rentable la réhabilitation de l’existant et la redynamisation des centre-bourg.
Rééquilibrer les territoires.
Le vivant se meure dans des territoires qui ne sont plus habités. Exemple des Cevennes, où la biodiversité s’écroule par ce que les agro-écosystèmes ont été abandonnés. Cela doit interroger les tendances à penser que pour sauver le vivant, il faut abandonner certains territoires. La vraie question est donc plutôt la manière de vivre dans chaque territoire pour respecter les grands équilibres écosystémiques.
Mais pour permettre d’habiter, de se réinstaller dans certains territoires, il faut que les services publics soient, là, qu’il soit possible de se déplacer sans risquer de croiser la route d’un poids-lourds qui s’ils ont été bannis des grandes villes, sont le quotidien de nombreux territoires ruraux.
Le rééquilibrage est aussi une bataille culturelle. La production de films et séries prend trop souvent pour décors les grandes villes quand ce n’est pas Paris. La diversification de cette production culturelle est un levier pour repeupler nos mondes, repeupler nos projections et montrer que les territoires ruraux ou périurbains sont des espaces désirables à investir.
Enfin, un rééquilibrage qui passe par le fait de redonner de l’épopée aux choses simples. Le club de scrabble, le dernier facteur à livrer le courrier dans un marais habité (à Saint-Omer). Faire des choses communes une cause commune est un levier politique important.
Rééquilibrer, enfin, nécessite de miser sur l’existant. Détruire pour reconstruire serait une catastrophe écologique. Mais pour cela, il faut les incitations financières pour rendre cela possible.
L’avenir écologique des pavillons ?
Pour beaucoup de personne, les pavillons font partie de leur patrimoine (réel ou culturel) . S’ils sont liés à des choix politiques qui ont contribué à dépasser les limites planétaires, se pose la question de le possible de venir écologique, notamment autour des jardins et de politiques jardinières qui doivent être encouragés en tant que possibles réservoirs de biodiversité.
Cette question fait débat, les pavillons et leurs jardins étant associé à un imaginaire peu soutenable, qui se traduit aujourd’hui par des rénovations basées sur des extensions qui viennent renforcer le phénomène de la hausse rapide du nombre de mètre carré par habitant.
Dans les espaces pavillonnaires, enjeux de la préservation des cœurs d’ilots. La densification a tendance à faire sacrifier ces espaces souvent dédiés aux jardins. Fondamentale de les préserver.
Le choix de la densification des villes ?
L’idée selon laquelle la densification des villes permet de réduire l’impact écologique du logement doit être plus que relativisé. Aujourd’hui, 50% de l’acier, 100% des granulats vont à la construction de la ville et de ses infrastructures. Par ailleurs, la ville dense a besoin de nombreux services qui produisent de l’étalement urbains (entrepôts, data center, etc). La densification produit donc aussi de l’étalement. Toute densification n’est pas bonne à prendre.
Décroître la construction.
Tous les scenarios de neutralité carbone en 2050 repose sur des hypothèse de décroissance de la construction. Se pose donc la question de la sobriété constructive et foncière, comme développé dans La ville stationnaire. Besoin de sortir de l’injonction de la croissance et de l’attractivité, ne serait-ce que pour se concentrer et concentrer les moyens financiers sur l’adaptation des villes aux changement climatique.
Dans le cadre de Territoires pilotes, création d’un Atlas du foncier invisible pour accompagner les élus et techniciens à repenser leur développement urbain.
Enjeux notamment d’arrêter de construire autour de l’imaginaire de la famille avec deux ou trois enfants qui aujourd’hui aliment la construction de l’logements toujours plus grands.
Il faut avoir en tête que pour 35 logements construits, cela génère 5 logements vacants. La construction produit de la vacance. Voilà aussi pourquoi le ZAN est utile.
Adapter les logements au vieillissement.
La population vieillit mais les politiques urbaines ne le prennent pas en compte. Besoin de logements adaptés (plain-pied, pas trop grands, etc) pour encourager leur changement de logements avant que ne viennent les soucis liés au vieillissement. Libérant ainsi des logements sous-occuper pour d’autres.
Plus largement, besoin de penser ces programmes urbains qui proposent de la mixité fonctionnelle, qui facilite l’entraide et la cohabitation des générations.
Les métropoles contre la métropolisation ?
La ville stationnaire ne porte pas nécessairement de critique des métropoles, mais de la métropolisation, de l’extension de ces dernière, des politiques d’attractivités. Enjeux de ne plus attirer mais d’essaimer, redistribuer, de permettre des coopérations entre territoires.
Le rapport à la ville, aux métropoles, au logement est parfois ambigu parmi les écologistes. Nécessite de ne pas essentialiser la ville, ses habitants et ses élus.
La métropolisation est condamnable en ce qu’elle produit un ensemble de dominations, un fait urbain, un fait géographique sur les autres territoires. Elle attire les ressources et créé des dépendances.
Mais les métropoles peuvent être des alliés contre la métropolisation.
La fondation Abbé Pierre est ainsi favorable à la montée en puissance des institutions métropolitaine. La métropole de Lyon, seule institution basée sur le suffrage direct et la confrontation des programmes politiques, est un bon exemple. Pensée et obtenue par un des grands artisans de la métropolisation lyonnaise, elle offre des leviers d’action et de transformation sans comparaison avec les autres territoires.
Constat peut même être fait que les dynamiques de domination et d’inégalités sont d’autant plus grands là où les institutions métropolitaines sont les plus faibles (Marseille – Paris)
Dans une société démocratique, il est nécessaire de faire avec des dynamiques, notamment des choix de résidences, qui ne vont pas s’inverser du jour au lendemain. La préférence pour les métropoles ou pour certaines régions est un point de départ avec lequel il faut travailler.
Retour d’expérience à Lyon.
Le vote écologiste s’est en partie construit en opposition à la stratégie de métropolisation de Gérard Collomb. La création de la métropole, et la fusion avec le département devait permettre de poursuivre cette dynamique. Mais l’institution est aussi un levier pour penser autre chose.
Notamment un autre rapport aux territoires. Aujourd’hui, la dépendance alimentaire de la Métropole de Lyon se joue sur périmètre de 50 km autour de la place Bellecour. C’est deux fois la surface de la Métropole de Lyon.
ans ce périmètre de 50 km, la seule structure qui fédère les EPCI est l’agence d’urbanisme, qui sert aujourd’hui pour accueillir dialogue et coopération sur les sujets alimentaires, de mobilité, habitat.