Séminaire: Quel avenir pour les usines et les ouvriers.

Compte rendu du séminaire tenu avec le soutien de la Ville de Besançon et la Région Bourgogne franche Comté à Besançon 7 décembre 2023.

Déroulement :

  • 09h 00 Présentation des Rencontres de Cluny et de la journée Claire Mallard, L’Instant d’après, présidente du groupe des élu.es écologistes à la région Bourgogne-Franche-Comté Dominique Voynet, ancienne ministre.
  • 09h 30 – L’écologie, une contrainte de plus ou une opportunité pour travailler et vivre mieux ? Philippe Moati, professeur d’économie à l’Université Paris Diderot, fondateur de l’Observatoire Société et Consommation et Sabine Tort, URI CFDT Franche-Comté, en charge transition écologique juste.
  • 10h 20 – Un point de jonction possible : la qualité de vie au travail Serge Volkoff, ancien responsable des études et statistiques sur les conditions de travail au Centre de Recherches sur l’Expérience, l’Age et les Populations au Travail.
  • 11h 00 – Christian de Perthuis, économiste du climat, créateur et animateur de la Chaire Économie du Climat de 2010 à 2020 à l’Université de Paris Dauphine-PSL.
  • 11h 45 – Réactions Charles Fournier, député, auteur du Manifeste pour une Industrie Verte, Anne Vignot, maire de Besançon Marie-Guite Dufay, présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté.
  • 14h 00– Table Ronde : Industrie et transition écologique : un défi économique, social et territorial Aurélie Brunstein, Réseau action climat, responsable industrie lourde, Dominique Thiriet, ancien secrétaire général (CGT) du site Général Electric Belfort Benoît Vernier, délégué syndical central CFDT Stellantis Auto, Florence Weber, chercheuse en socio-anthropologie au Centre Maurice Halbwachs, professeure à l’ENS de Paris Eric Oternaud, conseiller régional en charge de la conversion écologique de l’économie,  Majdouline Sbai, dirigeante d’une entreprise d’économie solidaire dans les Hauts de France.
  • 17h 00 – Réactions croisées François Ruffin, député de la Somme et Dominique Voynet, ancienne ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement .
  • 18h 00 – Conclusion par, l’Instant d’Après.

Problématique d’entrée du séminaire :

La définition et la délimitation de que sont les ouvriers et les usines d’aujourd’hui sont en elles-mêmes complexes et débattues depuis longtemps. A la fois quant à l’évolution des métiers et des process productifs (par exemple la place du travail intellectuel et les modifications liées à la révolution dite informationnelle), quant au statut des opérateurs (précariat, intermittence, sous-traitance, uberisation) ou leur place dans la hiérarchie (ouvriers, techniciens ingénieurs).
Sans entrer dans le débat évidemment nécessaire sur cette délimitation, on s’en tiendra pour notre séminaire à l’imaginaire empirique (et discutable) des ouvriers comme travailleurs manuels impliqués dans des process et des cycles industriels amont/aval de grande dimension, quelle que soit la taille de l’entreprise particulière dont ils sont les salariés. Des travailleurs liés à l’usine et au machinisme donc. Non propriétaires de leurs moyens de production et inscrits dans un rapport salarial ou assimilé. On pense par exemple aux secteurs de la métallurgie, de la chimie, de l’électronique, du bâtiment et travaux publics, de l’agroalimentaire, de l’énergie, de l’aéronautique, la navale, les transports etc.
La question de leur place dans la société française telle que les écologistes l’imaginent pour l’avenir, est à la fois une question stratégique de long terme et une question politique de court terme.  Il s’y joue leur rapport à cette classe sociale, logiquement très sensible aux visions nostalgiques et passéistes entretenues par les partis réactionnaires. Impossible de penser quelque transition que ce soit dans le cadre d’une conflictualité ouverte ou latente avec les ouvriers. Difficile de se passer de leur expérience concrète et professionnelle ou de leur sensibilité profane pour opérer sur le terrain cette transition. 
Or les écologistes sont souvent perçus par les ouvriers comme annonçant d’une façon ou d’une autre la fin de la grande production industrielle et par conséquent la réduction voire la disparition de leur place comme classe sociale. Ils sont parfois assimilés par eux aux agents et groupes sociaux dominants qui ont voulu ou accompagné la délocalisation de ces cinquante dernières années et abouti à la réduction de la part de la production industrielle dans la richesse nationale. L’écologie comme ruse, prétexte ou complice de la désindustrialisation.
Contradictoirement, les écologistes peuvent également être perçus comme plus attentifs que d’autres, à des questions auxquelles les ouvriers sont sensibilisés par leurs propres conditions de travail : le bruit, l’usage de produits toxiques, la pollution des eaux, la domination hiérarchique genrée, l’aspiration au temps libre, aux mobilités douces, à la réduction des temps de transports …
Un peu de recul historique fait en outre apparaître une donnée fondamentale : le bilan écologique global de la désindustrialisation de la France depuis quarante ans est loin d’être positif : pour sa consommation intérieure globale, la France utilise dans le monde entier davantage de matières premières et de ressources naturelles qu’ à l’époque de l’industrie triomphante dans notre pays, c’est à dire dans les années 60. Autrement dit, pour des raisons liées pour l’essentiel aux coûts de production (accessoirement à la montée de la réglementation environnementale), un pays comme la France a exporté ses pollutions de toutes natures plus qu’elle ne les a réellement réduites.

Pour mettre en marche la société vers leurs objectifs planétaires, les écologistes se trouvent donc placés devant les nécessités suivantes :

  • Contribuer, pays par pays, à réduire de façon importante la pression globale de la production et donc de l’industrie, sur les ressources mondiales, par exemple réduire celle de l’extractivisme prédateur, faire décroître les formes de mobilité les plus destructrices, l’agrochimie polluante….
  • Repenser les process productifs et les technologies dans le sens d’une moindre intensité en consommation de matières premières et en pollutions.
  • Proposer une réorganisation des consommations de façon à ce qu’elles correspondent à ces objectifs de réduction, c’est l’enjeu de l’articulation entre les politiques dites de sobriété et de justice sociale, du passage à des formes nouvelles de mutualisation… 
  • Relocaliser les productions essentielles, donner à chaque territoire une plus grande maîtrise de sa consommation, retrouver un maximum de souveraineté en matière agricole comme industrielle, favoriser les circuits courts.
  • Renouveler les cadres et les contextes de production (taille des entreprises, localisation, transformation des métiers et conversions territoriales et professionnelles.
  • Réexaminer les formes de propriété, en matière d’industrie ou d’énergie, pour définir ce qui relève des biens communs, de la propriété privée ou de la production sous gouvernance publique.

Au-delà d’une vision nouvelle de la place de l’industrie, il s’agit pour les écologistes de repenser le contrat passé avec la classe ouvrière autour de deux axes :

  • La relance d’un récit du « bonheur ouvrier » fondé sur une réduction du temps de travail hebdomadaire et sur toute la vie, une moindre exposition aux produites dangereux et aux risques s professionnels, un recul de l’intensité du travail et du despotisme d’usine, une amélioration de la reconnaissance salariale et du pouvoir de vivre, un réexamen des progressions professionnelles, une revalorisation des métiers et de la dignité ouvrière.
  • L’invention de nouvelles formes de « démocratie industrielle » permettant un débat sur quoi et comment produire et dans ce cadre donner des droits et pouvoirs nouveau aux collectifs de producteurs sur toute la chaîne de valeurs, de façon à en faire des agents de la mutation et non des opposants.

La tâche est immense, l’urgence écologique est une contrainte forte, elle pousse à une accélération de la métamorphose. A contrario, des vents contraires comme les replis nationaux/nostalgiques ou un certain degré de remilitarisation de l’industrie comme réponse aux risques de conflits à l’échelle mondiale, sont autant de tendances et de récits concurrents de celui, (à construire), des écologistes.
Le séminaire se propose donc de travailler à une méthodologie pour une approche partagée de ces problématiques de changements industriels. Il interpellera les interrogations et notions évoquées ci-dessus, en les critiquant voire en les contestant ou en les repositionnant ..
L’objectif est de sensibiliser non seulement les acteurs de l’industrie mais aussi les écologistes eux-mêmes, quant aux impacts considérables impliqués par les récits de « bifurcation », de « reconversion », de « ralentissement », de « décélération », a fortiori de « décroissance ».
Il est question, de façon prospective, d’approcher d’un double point de vue macroéconomique et sectoriel, la comptabilité des + et des -induits par les dynamiques énoncées ci-dessus. Qu’est ce qui va croitre, décroitre, être repositionné ?
Le séminaire évoque les opportunités mais aussi les limites d’un progrès technologique permettant à l’industrie une moindre consommation des ressources naturelles. Il envisagera les apports des notions comme celle de « low tech » appliquées à l‘industrie.
Il aborde les implications territoriales et humaines induites par les transformations évoquées et en particulier les mutations introduites dans les cultures ouvrières et techniciennes de métiers, dans l’appareil de formation initiale et continue, dans la diffusion de l’innovation.
Il échange sur les rythmes et les temps de cette transformation et les conditions de leur acceptabilité par le plus grand nombre. 

Déroulement du séminaire. Extraits des interventions :

Le séminaire s’est tenu dans l’ancien hémicycle bisontin du Conseil régional de Bourgogne franche Comté à l’initiative des Ecologistes de Franche Comté en partenariat avec l’Instant d’après. La mairie de Besançon et la région BFC ont appuyé cette initiative. 8o personnes ont participé studieusement à cette journée de travail, un repas convivial ayant été pris à l’occasion de la pause de midi. Barbara Romagnan, ancienne députée, Anna Maillard (les écologistes) Pascal Nicolle (Planète territoires) ont animé les différentes tables rondes qui se sont succédées.

Claire Mallard, L’Instant d’après, présidente du groupe des élu.es écologistes à la région a introduit le séminaire. Elle a notamment fait observer :
« La société écologique et solidaire est marquée par la nécessité absolue de respecter la capacité de charge écologique de la planète, de répartir mieux la ressource entre les territoires, de produire, consommer, habiter autrement. Dans une telle société, que deviennent les fondements matériels, les groupes sociaux et les institutions autour desquels s’est déployé le modèle social d’après-guerre et qui ont structuré les imaginaires nationaux, européens et d’une manière plus générale occidentaux ? Les ouvriers et les usines ? Les territoires ruraux et les paysans ? Les fonctionnaires ? L’Etat ? Le système de santé ? L’alimentation ? L’éducation ? Les métropoles ? Nous parlons beaucoup de transition, mais transition vers quoi ? Où donc les écologistes, et d’une manière plus générale, une gauche écologisée et refondée, veulent-ils en venir ? »

Dominique Voynet, ancienne ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, a rappelé le caractère industriel de la région, avec la place éminente de l’automobile et du ferroviaire dans le nord du Doubs, mais aussi les nombreux bassins industriels comme la chimie dans le dolois, la plasturgie, la lunetterie, ou l’agroalimentaire Parler de l’avenir de l’industrie, c’est certes dialoguer avec les responsables d’entreprises, mais aussi et avant tout avec les principaux concernés, les ouvriers. Elle rappelle la tradition coopérative de la région, la place de la lutte des Lip à Besançon capitale de la micromécanique, alors que Charles Piaget vient de nous quitter. Il s’agit donc d’un premier moment de réflexion qui nous permettra de voir dans quelle mesure les idées écolos de la transition ont infusé et comment nous pouvons faire pour qu’elles élargissent leur influence.
On trouvera ci-dessous le résumé des interventions, l’intégralité des interventions ayant été enregistrées.

Philippe Moati, professeur d’économie à l’Université Paris Diderot, fondateur de l’Observatoire Société et Consommation 
Le diaporama issu de l’observatoire de la consommation responsable, présenté par mr Moatti (avec toutes les précautions méthodologiques nécessaires) montre une classe ouvrière finalement assez attachée au modèle dominant de consommation. Un attachement proche de celui qu’on observe chez les catégories populaires en général, par exemple chez les gilets jaunes. Les ouvriers sont restés “modernes” au sens du siècle dernier, ce qui n’est pas surprenant puisqu’ils en ont été finalement les acteurs les plus représentatifs du modèle productiviste. Ils le sont d’autant plus qu’ils ont (à juste titre) le sentiment d’un décrochage fort de leur possibilité d’accéder au confort des catégories comme les cadres, d’une panne de l’ascenseur social, d’une perte d’accès au service public, d’un manque de reconnaissance,

  • En 1975, il fallait 36 ans à un ménage ouvrier pour atteindre le niveau de vie d’un ménage cadre.
  • En 2023, il faut 80 ans !

L’ouvrier ne comprend pas pourquoi il n’aurait pas droit au même niveau de consommation que le cadre. Dans leur rapport aux biens de consommation, les ouvriers sont parmi les mieux équipés en objets connectés de proximité ou d’appareils domestiques mais l’écart se creuse fortement quant à leur possibilité d’accès a la propriété immobilière, à la culture, aux voyages lointains, aux vacances etc. La consommation écolo leur parait souvent inaccessible Ils paraissent du coup assez sensible au récit nostalgique et passéiste et notamment aux thématiques de rejet de l’étranger L’écologie leur apparait souvent comme portée par les classes moyennes supérieures avec lesquelles ils entretiennent une relation tendue. L’écologie est vécue comme un prétexte à la désindustrialisation et a la délocalisation. On leur demande, à eux ouvriers, bien + qu’aux vrais et gros pollueurs. On surréglemente leur vie quotidienne alors qu’on fait preuve de tolérance vis à vis des classes dirigeantes. Cet état de fait impose un effort particulier des écologistes pour parler aux ouvriers :il faut aussi parler pouvoir d’achat, qualité de vie au quotidien, créer un imaginaire positif de l’avenir : ralentir, avoir du temps pour les loisirs, la famille, les relations sociales.

Sabine Tort de la CFDT Franche comté en charge de la transition écologique juste.

La transition n’est plus un sujet abstrait mais elle est au cœur de nos métiers. Pour les conditions de travail de tous les jours dans les ateliers : : “Il fait chaud, on installe des ventilateurs.” on s’adapte aux conséquences par davantage de techniques, on peut parler parfois de « mal adaptation » Pour l’avenir : 50 à 60% d’emplois sont menacés par le passage du moteur thermique à l’électrique. Si on prend l’exemple des fabricants de pots d’échappement : soit ils disparaissent, soit ils se diversifient Les ouvriers ont peur du chômage, de la précarité, de l’insécurité. Ces peurs sur la transition peuvent être un frein si on laisse se développer la pénibilité et l’insécurité au travail. Il faut les associer pour accélérer les transformations inévitables. Ces transformations sont sources d’incertitudes multiples mais aussi source d’opportunités, c’est dans le dialogue social que l’on pourra construire une transition écologique acceptable. Les conditions de travail, l’emploi et les compétences ne peuvent pas être une variable d’ajustement. Il faut anticiper, négocier, planifier les évolutions. La CFDT réfléchit et agit pour les accompagner les salariés et éviter la casse sociale. Bilan de compétences, formation… le Dialogue social doit se faire dans la proximité. L’ensemble dse mesures doivent être au plus près des réalités de travail et de terrain. Il ne faut pas subir, mais agir.

Serge Volkoff, ancien responsable des études et statistiques sur les conditions de travail au Centre de Recherches sur l’Expérience, l’Age et les Populations au Travail .


« Un point de jonction possible : la qualité de vie au travail » 
Serge Volkoff présente quelques-unes des observations faites dans le livre qu’il a écrit avec Corine Gaudard, « le travail pressé » La question de l’intensification du travail devrait être au cœur de la réflexion des écologistes. Il est nécessaire de s’intéresser au contenu concret des phases de travail et notamment aux adaptations constantes et en temps réel Les promesses (d’autonomisation, de meilleurs niveaux de formation…) n’ont pas été tenues car les modèles se sont empilés. Les contraintes se cumulent : hiérarchie, délais à respecter, tâches répétitives, suivi (surveillance) informatique… La question des modes opératoires et des aptitudes non standardisables est centrale. La polyvalence peut être une bonne chose mais pas si elle est trop intense et cadrée par des fiches de standardisation des pratiques. Le travail en dehors du lieu de travail progresse, même chez les ouvriers, on ramène du travail à la maison ! Les pénibilités se sont maintenues alors qu’on croyait qu’elles disparaîtraient. Le code du travail dit que les sacs doivent être moins lourds ? Alors on en porte deux à la fois car il faut quand même respecter les délais ! La transmission des gestes professionnels se dégrade par manque de temps ce qui peut avoir des conséquences sur les risques industriels, la qualité du produit final …L’Impact sur les fins de vie active est ainsi considérable : des postes « doux » disparaissent, tout comme les postes allégés, aménagés pour les fins de carrière (poste d’accueil, de gardiennage…)
Aussi le discours écologiste doit il porter :
  • Un message global pour réduire le volume de travail, freiner l’augmentation de la quantité de travail ?
  • La remise en cause des pollutions et la santé et la prévention en santé au travail
  • La durabilité des objets fabriqués. (Voir le Livre “Le soin des choses”)
  • Une action pour regagner sur la qualité du travail : retrouver le geste professionnel, la coopération dans la production
  • Le modèle de la hâte, qui est le modèle dominant aujourd’hui est l’adversaire numéro un de la perspective écologiste.
Donc les écologistes doivent porter une critique qui ne se limite pas au temps hors travail mais concerne le cœur du dispositif productif.

Christian de Perthuis, économiste du climat, créateur et animateur de la Chaire Économie du Climat de 2010 à 2020 à l’Université de Paris Dauphine-PSL.

La révolution industrielle a été bâtie sur le carbone fossile, qui est la cause principale du dérèglement actuel. On ne devrait pas dire transition climatique mais « révolution ». Les transformations antérieures ont été fondées sur une logique d’addition des sources d’énergies. Il faut passera une logique substitutive, c’est à dire de remplacement. Les technologies de décarbonation, de remplacement existent. On ne le faisait pas car ce n’était pas rentable. Ça va le devenir. Forcément ça veut dire désinvestissements d’un côté et investissements de l’autre : 75% des fonderies travaillent aujourd’hui pour la fabrication des moteurs thermiques.
Les sites industriels à décarboner :

  • La sidérurgie : Rappel important :  L’acier est la 1ère source d’émission au monde dans le monde industriel. Il faudra beaucoup de l’acier pour faire augmenter le niveau de vie en Afrique. Si on n’arrive pas à décarboner ce secteur, on rate quelque chose de fondamental !
  • Les raffineries (pétrole et chimie) les cimenteries, voilà les gros émetteurs. Il faut transformer les process productifs, développer l’efficacité énergétique, favoriser l’économie circulaire et une gestion écologique des déchets.
Ensuite dans les priorités :
  • Les transports (avec le développement du véhicule électrique la bataille du ferroviaire, les modes doux) Décarbonation des transports : la Chine est en avance ! Gros avantage chinois sur les chaines amonts pour se fournir en batterie et en composants… Le vélo, on a regardé ça de manière anecdotique, alors que ce sont des enjeux industriels potentiel pour la France ! Il y a beaucoup d’opportunités à saisir !! 
  • Et les industries de consommation (et en particulier les industries agroalimentaires par exemple le lait et la viande) Dans ces secteurs, on a beaucoup de main d’œuvre avec une qualité de travail déplorable (abattoir par exemple) Dans ces domaines, il faut penser filières courtes et dynamiques territoriales : comment articuler paysannerie et agro-industrie dans une perspective de transition écologique ?
  • En matière d’énergie électrique, les techniques mises en œuvre par les renouvelable sont anciennes, il faut donc industrialiser la fabrication Le solaire : Le premier panneau photovoltaïque date de 1880 ! Ce n’est pas “nouveau” mais ce n’était pas rentable du tout, donc exit pendant 100 ans. Aujourd’hui on y revient. Les prix ont massivement chuté … Mais l’industrialisation du solaire s’est massivement lancée en Chine ! Pourquoi ? Parce qu’on a pas du tout anticipé. La France a un institut de recherche du solaire mais pourtant la filière a été laissée trop longtemps à l’abandon.… L’éolien : lancé aussi dans les années 1880 aux USA. L’Europe a des atouts sur cette industrie qu’elle maîtrise bien ; Enjeux importants, surtout près de la mer. Au fond, le facteur le plus important, ce sera le facteur humain, la main d’œuvre qualifiée à tous les niveaux et en particulier la main d’ouvre ouvrière et technicienne.

Aurélie Brunstein, Réseau action climat, responsable industrie lourde.

Le réseau action Climat mène un plaidoyer pour accélérer la transition industrielle française. L’industrie va devoir baisser de 38% ses émissions d’ici 2030 par rapport à 2020. Il faut notamment accorder une attention particulière à l’industrie lourde basée sur les énergies fossiles (charbon pour l’acier, gaz naturel pour les engrais chimiques…) Depuis 10 ans les émissions de GES stagnent dans ces secteurs. C’est un défi très difficile, il suppose une transformation majeure des process de production et donc de gros investissements. Elle se heurte à la crainte d’une augmentation des prix et d’une baisse de compétitivité, Pourtant, cette stratégie serait cohérente avec une réindustrialisation sur notre territoire national. Elle nécessiterait que l’on conditionne les aides aux entreprises au respect des trajectoires de décarbonation. La commande publique et la taxe carbone aux frontières pourraient être les leviers d’une telle politique. La première étape devrait être un diagnostic secteur par secteur…avec comme préoccupation de sauvegarder l’emploi. Le plus tôt on s’y prendra et le mieux on y parviendra sinon les choses se feront de façon sauvage.57 % des ouvriers des secteurs pétrolier et gazier sont convaincus qu’une menace pèse sur leur emploi et sont prêts à une démarche de reconversion. Des actions de formation sont à déployer en lien entre les entreprises, les régions et l’état.

Charles Fournier, député, auteur du Manifeste pour une Industrie Verte.

Il affirme son accord avec les interventions précédentes et tient à souligner plusieurs points.
Il y a trois versions de la réindustrialisation du pays :

  • Une vision libérale qui parie principalement sur le marché, le laisser faire, la capacité des entrepreneurs à se porter sur les investissements nécessaires et à surfer sur les innovations technologiques qui seraient au fond la clef absolue. Le résultat en sera une énorme casse sociale et dans le meilleur des cas, des avancées très sectorielles.
  • Une vision localiste passéiste portée largement par l’extrême droite : elle fait croire qu’on doit et peut refaire de l’industrie comme avant, qu’on pourrait recommencer un cycle industriel comme dans les années 50/60. Mais ni la crise écologique, ni l’épuisement de la ressource, ni le contexte géopolitique ne le permettent.
  • Une vision écologiste qui tente d’articuler et de pondérer plusieurs dimensions et plusieurs échelles : la capacité de charge écologique des espaces, l’adaptation de l’industrie à cette capacité de charge, la relocalisation des activités, l’autonomie et la solidarité, l’emploi dans les territoires. Dans ce cadre, l’enjeu majeur de la décarbonation ne doit pas masquer tous les autres sujets : eau, pollutions (PFAS), épuisement des matières premières, qualité des sols, biodiversité. Une économie décarbonée peut être antiécologique !!

Cette vision écolo accorde de ce fait une importance particulière à la démocratisation du travail. Des nouveaux droits pour les salariés doivent être pensés face aux impacts du dérèglement climatique et à toutes les exigences de la transition. Comment les choix à faire pourront-ils être partagés et concertés à l’échelle d’un territoire, c’est un enjeu majeur.

Anne Vignot, Maire de Besançon.

Elle remercie les participants et manifeste sa satisfaction devant la tenue ici d’un séminaire sur un sujet aussi central pour nos enfants et le futur de nos territoires et de notre planète. Il y a, à ces débats, un gros enjeu de valeurs sous-jacent. Les seuls moteurs de l’économie ne peuvent être ni la vitesse ni la seule efficacité et vitesse. Quelle place donnons-nous à l’humain et au vivant ? L’extrême droite agite la question de la proximité pour aboutir à une sorte de protectionnisme généralisé et d’enfermement sur soi. Mais elle n’est pas si regardante que cela sur la mondialisation néolibérale. Il faut donc ouvrir au contraire aux bonnes échelles. Il est important d’anticiper, de réfléchir et faire ensemble afin de ne pas rester bloqué par l’anxiété et la perte de sens au travail. On doit remettre au cœur de nos débats, les questions du temps, voir la semaine de 4 jours Cela ne veut pas dire se désintéresser du contenu du travail au contraire On doit se remettre Importance à l’écoute sur la réalité du monde du travail, on doit trouver les bons lieux pour coordonner les efforts à tous les échelons de la gouvernance dans un objectif de coopération des entreprises, des institutions, des territoires…Convention des entreprises pour le climat.

Marie-Guite Dufay, présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté.

Notre région, c’est peu connu, est la première région industrielle de France avec 30 % d’emplois industriels, La question de la transition est donc majeure pour nous avec comment par exemple comment gérer la fin annoncée des véhicules thermiques Nous réfléchissons aussi à l’hydrogène (pile à combustible) en lien avec l’éolien, comme vecteur de stockage des énergies variables (solaire, éolien…) En matière de mobilités nous sommes en plein dans la question de comment faire évoluer de la voiture vers le train… L’écologie et le rapport de l’écologie à la production ainsi sont devenues LES sujets clivants dans nos assemblées ! Energies renouvelables, efficacité, sobriété foncière ou dans les transports : = vous avez la garantie que les débats seront houleux Nos 50 mesures pour la transition écologique suscitent l’opposition farouche de la droite et de l’extrême droite, parfois aussi de nos propres alliés communistes. La logique dans laquelle nous sommes, est d’associer les citoyens alors que la défiance est absolue vis à vis du politique Nous réunissons par exemple une Convention citoyenne pour le climat que nous avons lancée la semaine dernière en BOFC et nous mettons en place le GREBE, qui est une sorte de GIEC régional pour faire de la biodiversité une condition de la transition climatique.

Éric Oternaud, conseiller régional EELV en charge de la conversion écologique de l’économie, des emplois verts et de l’ESS .

Il complète les interventions précédentes par quelques remarques qui balisent la spécificité des écologistes sur ces sujets. Il fait observer par exemple que relocaliser, si c’est pour fabriquer chez nous des produits dont nous n’avons pas besoin, n’a pas de sens. Décarboner pour fabriquer en France un SUV électrique de 2.5 tonnes, cela n’a pas de sens non plus. Mieux vaut partir des besoins pour parler de réindustrialisation. De même il faut un minimum de cohérence entre les objectifs affichés et les politiques concrètes. Par exemple les écologistes agissent en permanence pour l’éco/socio conditionnalité des aides ou pour ne plus financer l’économie de concentration On a tous en tête l’exemple bien connu de Stellantis . Alors que les usines françaises du groupe dégagent zéro bénéfice par des procédés d’évasion et d’optimisation fiscales, le même groupe sollicite des aides pour décarboner !

Dominique Thiriet, ancien secrétaire général (CGT) du site General Electric Belfort.

Le slogan, « Fin du monde, fin du mois même combat » est un bon slogan, car il continue à ancrer la question sociale dans le cadre de l’écologie politique. Bien sûr, la première chose à faire, c’est accompagner les reconversions industrielles en minimisant les impacts négatifs sur les salariés Mais il faut désormais se poser la question : “Produire plus pour produire/fabriquer quoi ?” L’industrie c’est important ? Ben ça dépend pour quoi faire …Aujourd’hui qui décide ? c’est les pseudo lois du marché. La question qui nous est posée à tous, c’est comment reconnecter la production aux réalités terrestres ? Et pour cela, nous devons nous débarrasser la tête des mauvaises lectures de Darwin : apprenons à coopérer plutôt que compétiter !

Benoit Vernier, délégué syndical central CFDT Stellantis Auto.

Il rappelle le contexte de la fusion entre Peugeot et Fiat-Chrysler pour donner naissance à Stellantis groupe mondial. Aujourd’hui, les ouvriers vivent la transition écologique comme une contrainte. Ils sont éloignés de l’écologie par leurs conditions de vie, par exemple par les modes d’organisation du temps hyper flexibles qui leur imposent un moyen de transport motorisé individuel pour venir au travail. Pour emmener les ouvriers vers l’écologie, il faut leur en donner les moyens et sortir de la seule logique du profit à court terme. Tavares, ne cesse de nous dire que « la transition écologique, on l’a bien cherchée avec nos bulletins de vote. (Sous-entendu écolos) Il nous dit qu’on se tire une balle dans le pied. Il n’a aucun complexe à tenir ce discours.”

Florence Weber, chercheuse en socio-anthropologie au Centre Maurice Halbwachs, professeure à l’ENS de Paris.

La logique des dynamiques à l’œuvre est claire : La pollution par les industries a amené des oppositions qui ont poussé à la délocalisation c’est à dire aux déplacements des nuisances et à la perte d’emplois ouvriers ici. L’invention des marchés à polluer a abouti à une financiarisation de la question Aujourd’hui, les impératifs de non pollution ou de dépollution avec les questions de maintenance des outils de production mais aussi de l’environnement global de travail, sont de nouvelles sources supplémentaires d’anxiété L’évolution du climat à l’échelle planétaire s’accompagne d’interrogations, avec une grosse inconnue sur l’évolution des climats locaux avec des impacts sur les process de fabrication, les conditions de travail, la chaleur sur les lieux de production Le modèle européen de la préservation des paysages façonnés par les humains cède le pas au modèle états-unien des “réserves” de la protection de certains lieux au détriment des autres où l’on peut tout dégrader. Les autres c’est là où habitent les ouvriers …La tendance est à la dynamique de concentration : fermes énormes, gigafactories L’injonction à la mobilité est partout, parfois sur longue distance, parfois dans la proximité ou à proximité (frontaliers) Les personnes ou les groupes sociaux peu mobiles perçoivent le risque d’appauvrissement, La perception est grande de la polarisation entre les zones qui s’enrichissent et les zones qui s’appauvrissent. Au fond les catégories populaires redoutent qu’il y ait des gagnants et les perdants de la transition écologique et d’être plutôt du côté des perdants. Les objectifs globaux de l’action contre le changement climatique sont très abstraits : ne faudrait-il pas des objectifs plus précis mieux délimités, plus à la portée des gens ? Les politiques réfléchissent à l’échelle planétaire mais les actions sont souvent perçues ou réfléchies au niveau local Il faut compléter l’entrée par la planète, par une entrée par les territoires.

Majdouline Sbai, dirigeante d’une entreprise de l’économie solidaire dans les Hauts de France.

Elle confirme le propos précédent en faisant observer que les PME/PMI et les micro entreprises représentent 99 % des entreprises et 85 % des créations d’emploi C’est particulièrement vrai dans le domaine de la mode ou se pose avec une acuité particulière, coté production et coté consommation, la question de la transition. Ainsi le fashion pact initié par E. Macron exclut il les PME/PMI car le ticket d’entrée est beaucoup trop cher. Les sous-traitants sont également peu pris en compte et pourtant sans eux pas de démarche de transition. Leur vulnérabilité par rapport à l’approvisionnement, au coût de l’énergie, au bad buzz est bien plus grande que celle des grosses structures ? A contrario, leur résilience et leur agilité sont bien plus grandes. Penser la transition industrielle, c’est donc penser économie symbiotique (basée sur la coopération), c’est penser un monde plus horizontal, là est sans doute la vraie utopie écologique !

Dominique Voynet, ancienne ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement.

Quelques remarques pour ouvrir ce moment de synthèse et de réactions un peu globales Il faut faire attention au vocabulaire que l’on utilise quand on s’adresse aux autres : “ Faire des efforts », « renoncer à » On a un vrai problème d’imaginaire ! Pourquoi ce serait forcément renoncer ? Si je bois + d’eau du robinet, est-ce un renoncement ? non, c’est « économiser ». On ne va pas non plus stigmatiser les ouvriers parce qu’ils consomment !  On a beaucoup parlé « d’anticipation », mais on a pris un tel retard ! Pourquoi n’a-t-on pas réussi à convaincre davantage ? Dans cet échec je voudrais qu’on travaille sur la part de rejet envers les écolos et envers ce qu’ils portent. Il faudrait creuser cela. Il est clair qu’on n’est pas simplement sur le registre de ce qu’il faut faire (de la façon de faire ou des techniques pour faire) mais sur celui des relations sociales et même de la conflictualité sociale. Si on ne dit pas qui fait quoi avec qui et contre qui, on ira vers une sorte de guerre civile larvée, entre jeunes/vieux, entre territoires, entre écolos/pas écolos, gens d’ici et gens d’ailleurs,

François Ruffin, député de la Somme.

Il débute son intervention par un hommage à Charles Piaget, l’homme de la démocratie ouvrière, de la démocratie au travail Il faut partir du constat de l’augmentation considérable des contraintes physiques et psychiques au travail. A l’usine bien sûr, mais pas seulement, La majorité des ouvriers aujourd’hui ne se trouvent pas dans les usines ; il ne faut pas les réduire à ça. Dans l’univers ouvrier, la peur s’est installée. Le chômage prolongé, la précarité, les maladies…La dégradation du logement, l’école qui ne permet plus de s’en sortir, Il y a plusieurs niveaux d’intervention pour reprendre contact avec les ouvriers.

  • Le global : Il faut des instruments de régulation de la mondialisation, c’est un leurre que de penser qu’on peut s’en passer. Il faut des politiques industrielles.
  • Le discours écolo : L’écologie, c’est du travail, ce n’est pas la fin du travail Il faut redresser le travail humilié en héroïsant certains métiers, ceux qui forment notre quotidien Tous les jours nous bénéficions du travail des autres, regardez ici, nous avons des micros, des chaises…Les caristes, les assistantes de vie, le bâtiment : !! Il faut mettre en avant ces jobs : engagez-vous dans le bâtiment pour assurer la transition écologique. Les passoires thermiques si on continue à ce rythme, il nous faudra 2 siècles !!
  • Mais le travail lui-même doit être revisité : quand je pense au conflit des Good Year : J’espère bien que dans quelques années, on regardera comme une aberration le fait de se lever la nuit pour produire quoi que ce soit !!!!
  • Réduction du temps de travail, Conditions de travail, droits des travailleurs, formation continue, démocratie dans l’entreprise, voilà les pistes à suivre.
  • Au total nous avons à montrer montre que “la sobriété est gagnante”, c’est d’ailleurs le titre d’un livre qu’il recommande

Éléments de synthèse ex post .

Nos échanges ont d’abord clairement permis de resituer la question de l’avenir des usines et des ouvriers dans des interrogations plus globales de civilisation, qui doivent être abordées en tant que telles : qui produit quoi pour quelle utilité, quel modèle productif ? Quelle place pour la production industrielle de masse en grandes séries, à grande échelle (versus la petite production, d’ancrage local, l’artisanat, l’échange de circuit court) Quelle évolution des consommations ? Également quel rapport entre les détenteurs de capital et les salariés ? Quels types de propriété ?

Quand on parle de transition industrielle, on doit donc bien préciser ce qui relève des solutions techniques de substitution, des transformations sociales nécessitant un certain degré de conflictualité et de remise en cause des rapports de production capitalistes, l’émergence d’un modèle nouveau de consommation et de production et de distribution. Au-delà de ces questions de long terme, il reste que le diagnostic à l’instant T est extrêmement clair.

  • L’industrie doit impérativement et assez rapidement se décarboner : Pour des raisons climatiques et écologiques, pour des raisons d’équilibre et de justice géopolitiques, pour des questions de dépendance et de souveraineté des peuples et nations.
  • Elle doit se réécologiser en tenant compte de l’ensemble des éléments de la ressource, à savoir l’eau, les sols, la qualité de l’air, la biodiversité, la consommation d’espaces : comme on l’a dit, une économie décarbonée n’est pas forcément écologique.
  • Elle doit participer in fine d’un processus de démondialisation et de relocalisation, à des échelles et à un niveau qu’il appartiendra à l’avenir de négocier entre les populations, les continents, les nations et les territoires. Mais il parait compliqué que ce processus puisse se déployer à l’échelle d’un seul pays.
  • D’ores et déjà, des embryons de filières industrielles nouvelles émergent en matière énergétique, en matière de transports, de matériaux de construction, d’habillement, d’agroalimentaire, de santé. Tout comme le recyclage, la lutte contre l’obsolescence ou l’économie circulaire, elles indiquent des directions et démentent l’idée selon laquelle l’écologie signifierait la mort de l’industrie. La masse des besoins sociaux a satisfaire aujourd’hui va dans le même sens.
  • Le travail de recensement d’intervenants pour ce séminaire préparatoire, en particulier d’économistes ou de spécialistes du climat, montre cependant qu’à cette heure les études prospectives documentent de façon insuffisante l’avenir de l’industrie dans le cadre de la redirection énergétique et écologique.

La balance ou du solde décarbonation-dépollution versus énergies nouvelles-relocalisation écologique restent aujourd’hui en termes de place dans la production nationale ou européenne ou en termes d’emplois ouvriers très incertains. Au demeurant, cette place ou ce volume d’emploi sont en retour fortement liés.

  • A la restructuration de l’ensemble de l’appareil productif (par exemple de l’agriculture ou du secteur de la réparation) et à la bifurcation de toute la chaine de valeur.
  • Aux politiques macroéconomiques mises en œuvre en termes de consommation individuelles et collectives et par exemple aux priorités données ou non au logement, à la santé, au transport collectif, à l’éducation.
  • Au degré de coopération /spécialisation au moins entre les pays européens et à leur degré d’inscription, d’ouverture ou de perméabilité aux marchés mondiaux.

Le récit écolo de l’avenir industriel se trouve donc à ce jour fortement marqué contradictoirement par des pistes et évolutions prometteuses et par de grandes incertitudes auxquelles un important travail de prospective et d’élaboration programmatique devrait s’attaquer. A partir de là, force est de constater que le décalage reste à ce jour énorme entre les écologistes et les ouvriers, probablement même entre l’écologie et les ouvriers Les écologistes ne parlent guère aujourd’hui aux ouvriers ce dont témoigne par exemple la faiblesse de leur vote en faveur des écolos. C’est d’autres acteurs (industriels, technocrates, gouvernants, commerçants, publicitaires) qui parlent d’écologie aux ouvriers et la façon dont ils en parlent n’est pas forcément de nature à les en rapprocher.

En dehors des interventions proprement dites, les échanges entre les participants ont cependant incité à relativiser cette distance:

  1. Même si le rapport des ouvriers à l’écologie parait pour le moins distant, il reste que les ouvriers ne sont pas dans cette société les principaux pollueurs globaux et de loin ! Toute tentative de les culpabiliser (sur l’usage de la voiture, de la viande ou de tel ou tel objet de consommation) sera ressentie comme une injustice profonde et utilisée comme argument par les adversaires de l’écologie.
  2. L’attachement apparemment fort des ouvriers au modèle antérieur ne dit rien de leur conscience ou non du caractère inévitable du changement. A cet égard une investigation/enquête plus profonde devrait être faite de la représentation qu’ils ont des modalités possibles de ces changements.
  3. Le mouvement syndical a fortement progressé dans sa conscience de la nécessité de la transition écologique, même s’il est traversé lui-même de contradictions sur les questions globales évoquées ci-dessus.
  4. Dans un nombre de plus en plus important de conflits sociaux (alimentaire, raffinerie, papeteries, ferroviaire) les revendications ouvrières prennent en compte les impératifs écologiques de qualité et d’utilité sociale des produits, de coopération producteurs consommateurs.
  5. Enfin, dans les modes de consommation ouvriers, a contrario des comportements consuméristes souvent cités, un certain nombre d’habitudes tendent à les rapprocher de thématiques portées par les écolos : autoréparation et recyclage, bricolage, modes de déplacements doux, jardinage, entretiens du corps et choix alimentaires, rapport aux animaux…

A l’opposé des discours libéraux modernistes et des discours passéistes régressifs, il faut donc comme cela a été dit pendant le séminaire construire le récit écolo et de gauche de la transition industrielle. Ce discours ne peut pas être un discours de culpabilisation ou de stigmatisation des ouvriers Ce doit être un discours de vérité ; Il y a un véritable avenir pour l’industrie et les ouvriers dans les pays européens, mais dans une industrie profondément restructurée, quant à ses finalités productives, ses modes d’organisation et de mobilisation du travail Ce doit être un discours d’alerte : si cette restructuration se fait sous le contrôle exclusif de stratégies industrielles des grandes firmes capitalistes, elle sera impitoyable pour les ouvriers, la quantité et la qualité de leurs emplois. C’est sur ce dernier point que la promesse écologiste parait à ce stade être la plus porteuse de dialogue et d’alliance avec les ouvriers Elle signifie globalement une réduction du temps de travail à l’échelle de toute la vie et une véritable prise en compte de la pénibilité Une industrie écologique implique une extension considérable de la démocratie industrielle et des droits des salariés ouvriers : elle les associerait bien davantage a la décision et à l’orientation de la production. Elle est porteuse d’améliorations considérables de la santé au travail en premier lieu par la prévention et réduction de l’usage de produits toxiques et polluants, l’attention aux postures et positions de travail Globalement, le discours écologiste doit compléter l’idée majeure qu’il faut regagner du temps libre par cette autre idée fondamentale qu’il est urgent de changer le travail lui-même : En ralentissant les rythmes infernaux, en déstandardisant les tâches, en retrouvant la qualité du geste ouvrier professionnel et des métiers, en redonnant au collectif de travail sa capacité à fonctionner collectivement et de façon coopérative .